Les Nains ne sont pas apparentés aux Elfes ni aux Hommes, ni même encore aux créatures de Morgoth. Les Elfes de la Terre du Milieu ne savaient pas d’où ils venaient, pensant qu’ils étaient étrangers aux Enfants d’Ilúvatar, bien que leur ressemblant sous bien des aspects. Mais les sages de Valinor par-delà la Mer ont appris que les Nains avaient été engendrés en secret par Aulë, alors que l’obscurité régnait encore sur la Terre ; car il désirait avoir des apprentis à qui enseigner son art et son savoir, et il était pour cela impatient de l’arrivée des Enfants d’Ilúvatar, mais ne voulait pas attendre l’accomplissement de ses desseins. C’est pourquoi, bien que les Nains soient semblables aux Orcs en ce qu’ils proviennent de la volonté d’un seul des Valar, ils ne sont pas mauvais ; car ils ne furent pas conçus par malice, mais issus du désir qu’Aulë avait au fond du cœur de fabriquer des choses lui étant propres, à la manière d’Ilùvatar.

Aulë les dota d’une forte endurance, car ils naquirent du temps du grand pouvoir de Morgoth. Ils sont par conséquent durs comme la pierre, têtus, prompts à l’amitié et à l’inimitié, et ils supportent le travail et la faim, ainsi que les douleurs du corps, mieux qu’aucun autre peuple doté de la parole. Et ils vivent longtemps, bien au-delà du temps des Hommes, mais pourtant pas éternellement. Leur croyance est qu’après leur mort Aulë les rassemble en Mandos, dans des salles préparées pour eux à l’écart, et qu’ils attendent là, non dans le désœuvrement mais dans la pratique d’arts et dans l’apprentissage d’un savoir encore plus profond. Et Aulë, disent-ils, déclara à leurs Pères d’antan qu’Ilúvatar avait accepté sa création, et qu’il les bénira et leur accordera, à la Fin, une place parmi les Enfants. Alors leur rôle sera de servir Aulë et de l’aider à façonner de nouveau Arda après la Dernière Bataille. Ces Pères, disent-ils, étaient au nombre de sept, et eux seuls reviennent vivre à nouveau au sein de leur espèce, et portent encore leurs anciens noms. De ceux-ci, Durin fut le plus renommé dans les âges qui suivirent, père de cette famille de Nains qui fut la plus amicale envers les Elfes, et dont les palais se situaient à Khazad-dûm.

Sous l’obscurité d’Arda, les Nains avaient déjà conçu de grandes œuvres, car ils possédaient une merveilleuse habileté avec les métaux et la pierre, bien que leurs ouvrages n’eussent été que de peu de beauté avant de rencontrer les Noldor et d’acquérir quelque peu leurs talents. Et ils accordaient plus volontiers leur amitié aux Noldor qu’aux autres Elfes ou aux Hommes, en raison de leur amour et de leur vénération d’Aulë. Mais en ce temps ancien, les Nains travaillaient toujours plus le fer et le cuivre que l’argent et l’or ; et la fabrication d’armes et d’équipements de guerre était leur principal art de forgerons. Ce furent eux qui, les premiers, réalisèrent des cottes de mailles en anneaux reliés, et dans la fabrication de cottes de mailles et de hauberts, aucun Elfe ni aucun Homme ne s’est jamais montré leur égal. Ils aidèrent ainsi grandement les Elfes dans leur guerre contre les Orcs de Morgoth. Ils prenaient plaisir à acheter, vendre et échanger et, par ce biais, à acquérir des richesses ; et celles-ci, ils les amassaient plus pour constituer un trésor que pour en user, hormis dans un négoce futur.

Les Nains furent toujours, et restent encore, de stature courte et trapue ; ils avaient le torse large, les bras puissants et les jambes robustes, et leurs barbes étaient longues. En effet, étrange particularité, aucun Homme ni aucun Elfe n’a jamais vu de Nain sans barbe – à moins qu’on ne l’ait rasé par moquerie, et alors il serait plus à même de mourir de honte que de maintes autres blessures qui nous paraîtraient plus mortelles. Car les Nains ont une barbe depuis le commencement de leur vie, aussi bien la gent masculine que la gent féminine ; et en vérité l’un et l’autre ne peuvent être discernés par ceux d’une autre race, que ce soit dans les traits, dans la démarche ou par la voix, ni par aucun moyen hormis celui-ci : elles ne partent pas en guerre, et sortent rarement de leurs pavillons et de leurs salles profondes, sauf en cas de nécessité immédiate. Il est dit également que leur gent féminine est peu nombreuse, et qu’exception faite de leurs rois et de leurs capitaines, peu de Nains se sont jamais mariés ; c’est pourquoi leur race se multiplia lentement, et pourquoi à présent elle décline.

La langue des pères des Nains, Aulë la conçut lui-même pour eux, et leurs dialectes n’ont ainsi aucune parenté avec ceux des Elfes. Les Nains n’enseignent pas de bon cœur leur langue à ceux d’une race étrangère ; et ils l’avaient rendue rude et complexe dans son utilisation, de telle sorte que parmi ceux, peu nombreux, qu’ils avaient accueillis en grande amitié, moins nombreux encore furent ceux qui l’apprirent correctement. Mais ils apprennent eux-mêmes rapidement les autres langues et, dans la conversation, ils utilisent autant que possible le parler des Elfes et des Hommes avec lesquels ils traitent. Mais en secret ils n’usent que de leur propre parler, et il n’évolue apparemment que lentement ; ainsi leurs royaumes et leurs maisons, longtemps séparés par une longue distance, peuvent aujourd’hui bien se comprendre les uns les autres. En des jours lointains, les Nains étaient établis dans maintes montagnes de la Terre du Milieu, et ils avaient rencontré là des Hommes mortels bien avant que les Elfes ne les connussent (disent-ils).