Ce fut dans la nuit du 3 janvier 1892, que John Ronald Reuel Tolkien vit le jour dans la communauté de Bloemfontein, en Afrique du Sud, où ses parents s’étaient installés seulement quelques temps plus tôt. Dans l’année de son troisième anniversaire sa mère les emmena lui et son frère en Angleterre, où ils devaient apprendre les jours suivants le décès tragique de leur père.
Ce premier choc rapprocha grandement Tolkien et sa mère, qui se convertit au catholicisme malgré la désapprobation des siens et qui devint son premier véritable professeur, éveillant en lui un amour intarissable pour les langues. Ces quelques années de bonheur dans la paisible région de Birmingham furent toutefois réduites à néant, lorsque sa mère succomba au diabète en 1904. Tolkien n’avait alors que 12 ans, et fut avec son frère confié à la garde du Père Francis Morgan, ce qui renforça sa foi chrétienne.
Les années qui suivirent permirent à Tolkien de se découvrir des talents de linguistes et d’affiner sa plume de poète, notamment lorsqu’il fonda avec des amis un groupe littéraire, le T.C.B.S. Après avoir brillamment obtenu son diplôme à l’université d’Oxford, et avoir épousé Edith Bratt, le jeune Tolkien fut aspiré comme bon nombre d’hommes de son âge par la tempête qui faisait rage sur le continent. Il se retrouva plongé dès les premiers jours de juin 1916 dans la bataille de la Somme, qui devait le marquer pour le restant de ses jours. Dans l’horreur des tranchées, et affecté par la mort de la plupart de ses amis, il trouva le temps de noter à la mine de plomb les premières ébauches de sa mythologie : Le Livre des contes perdus.
La première guerre mondiale, servit ainsi de percuteur et lança véritablement la création de la Terre du Milieu. De retour en Angleterre, Tolkien passa une grande partie de son temps à affiner, et modeler les langues qui devaient servir de base à sa mythologie. Entre ses devoirs de père de famille (il eût avec Edith quatre enfants, John, Michael, Christopher et Priscilla) et ses obligations en tant que professeur à l’université d’Oxford (où il travailla de 1925 à 1959), il parvint à produire quelques unes des plus grandes fresques littéraire de notre temps. Ainsi, alors qu’il corrigeait des examens un été, il lui vint à l’esprit une phrase qu’il nota sur une copie restée blanche, « Dans un trou dans le sol vivait un Hobbit. » De cette géniale inspiration allait naître un livre originalement conçu pour divertir ses enfants, Le Hobbit, publié en 1937. Suite à son incroyable succès, son éditeur lui commanda une suite, que Tolkien mit près d’une décennie à produire. Plus sombre, et plus complexe, Le Seigneur des Anneaux allait quoi qu’il en soit marquer de son empreinte la fin du XXe siècle.
Durant les dernières années de sa vie, Tolkien tacha tant bien que mal d’achever le reste de sa mythologie, ce qu’il ne parvint jamais à faire. Dévasté par la mort de sa femme en 1971, il demeura incapable de faire son deuil. Le 2 septembre 1973, Tolkien rejoignit ainsi sa bien aimée sur l’autre rive, laissant à son fils Christopher le soin d’achever et de publier le reste de son œuvre, notamment Le Silmarillion.
Ce qui distingue le Professeur J.R.R. Tolkien des autres universitaires de son temps reste avant tout, pour citer CS Lewis, sa «vision unique du langage de la poésie comme de la poésie du langage. » Car bien que philologue de formation, Tolkien prouva au monde qu’il avait été lui aussi touché par la grâce d’Orphée.